Ride The Flavour (fr)

Le grand écart indien

Avr. 29th | 7 commentaires

Lundi 14 avril. Le voyant « ceinture de sécurité » s’éteint pour de bon et les portes de l’avion s’ouvrent. Il est 18h, notre commandant de bord est certainement un homme très ponctuel. Nous entrons dans l’aéroport, passons l’immigration sans problème, puis arrivons devant le tapis roulant et récupérons toutes nos sacoches dans la minute. La perfection elle-même semble avoir coordonné notre arrivée… Une heure plus tard, pourtant, nous apprenons que nos vélos ont décidé de prolonger leur escale à Colombo, Sri Lanka. Et impossible en plus de prévoir quand ils repartiront pour l’Inde ! C’est donc assis à l’arrière d’un taxi que nous quittons l’aéroport, avec toutefois l’assurance d’être appelés dès que nos vélos auront refait surface.

Le lendemain, vers 18h, l’aéroport appelle : les vélos étaient dans l’avion d’aujourd’hui. Ils sont arrivés à New Delhi et SriLankan Airlines se charge de nous les faire porter à l’hôtel d’ici 2/3h. Très bien…

20h30 : « Je suis en route, j’arrive dans 10 minutes »
21h45 : « Je suis au feu au bout de la rue »
22h15 : « Hello ! »

Alors oui, évidemment qu’on a un peu stressé ! A l’aéroport, les vélos étaient en sécurité. A l’hôtel, ils l’auraient été de nouveau. Mais entre les deux… Et voilà que le mec nous laisse sans nouvelle pendant plus d’une heure alors qu’il disait être à 10 minutes !

Mais quel soulagement ç’a été de retrouver nos vélos ! Il ne restait plus qu’à les remonter et l’aventure indienne pourrait commencer !


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Mercredi 16 avril. L’heure du baptême est arrivée. Un an auparavant, Damien et Léo avaient eu le droit au niveau 1, une initiation tranquille le long du canal de la Garonne. Mais aujourd’hui Samuel a devant lui une situation autrement plus pimentée : il devra affronter directement le boss final, la circulation infernale de New Delhi… Le mode miroir est en plus imposé : en Inde, on roule à gauche ! Ses cinq sens sont en alerte rouge mais son cÅ“ur bat au rythme du courage. D’un premier coup de pédale, il entre dans la mêlée.

Nous débarquons dans un hyper-embouteillage. Camions, bus, voitures, motos et vélos ne font plus qu’un, chaque m² de bitume qui se libère à l’avant est immédiatement pris d’assaut par l’arrière. Nous avançons par à-coups, mettant pied à terre tous les 50m. Pourtant, dans cette progression saccadée, un élément reste constant : l’hystérie des klaxons. L’air en est saturé. Si ce n’est pas le camion d’à côté, c’est la moto de derrière, et si ce n’est pas sur notre voie, c’est sur la voie d’en face. Nos oreilles n’ont pas un seul instant de répit.

Au bout d’une demi-heure de ce chaos, la circulation se fluidifie enfin. Nous buttons toujours sur des passages qui semblent imperméables d’un premier abord, mais globalement nous pouvons maintenant rouler sans trop d’interruption, et observer les alentours de la route avec plus d’attention.

     – Tout est sale. Les bords de route sont jonchés de détritus et ça ne semble gêner personne. Les Indiens ont une poubelle commune : l’Inde. Et cette première impression n’a fait que se renforcer au fil des rencontres. « Où est-ce que je peux jeter ça ? » est invariablement suivi de « Vas-y, jette ça par terre », que la question soit mimée (peu d’Indiens parlent Anglais) ou clairement articulée.

Haie d’ordures entre Delhi et Agra


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     – En pleine ville, à 2m à peine de la route et du trafic le plus bruyant et polluant qui soit, on peut voir des tentes. Leurs Indiens qui y habitent ne sont généralement pas loin. Jamais auparavant nous n’avions vu des Hommes vivre dans une telle misère.

     – Les « money, money » fusent régulièrement sur notre passage. La plupart du temps, nous levons les yeux sur le visage d’un enfant.

     – Mais il y a aussi les sourires et les « Hello, how are you ? » des écoliers qui sortent la tête par les vitres de leur bus scolaire.

Damien : « 3 sourires m’ont particulièrement touché, mais je n’ai pas levé les yeux vers les vitres d’un bus pour les voir. Au contraire, j’ai baissé les yeux sur la gauche. 3 enfants étaient assis sur un arbre, en contrebas de la route, et ils nous souriaient. La tente de leur famille était un peu plus loin. Ils vivaient sans nul doute dans une pauvreté extrême, et pourtant leurs sourires étaient purs et sincères. Les plus purs et sincères qui soient… Mais comment les comprendre ? »

     – Les Indiens disent « Oui » ou « Bonjour » en dodelinant de la tête. L’espace d’une seconde, ils redeviennent enfants !

     – Dernier point. Aussi intéressante que la vie indienne puisse être aux abords des routes, il ne faut pas en oublier la route elle-même et faire attention à ce qui vient de derrière… mais aussi de devant ! N’importe quel véhicule, de la moto au camion, peut vous venir dessus à contre-sens. Sur les routes indiennes, c’est l’anarchie, tout peut arriver. Mais pas de quoi s’en faire pour autant : les conducteurs sont de ce fait très attentifs et anticipent votre trajectoire tant que vous ne faites aucun mouvement brusque. Il suffit d’être attentif soi-même et avoir confiance !

Ces observations sont celles qui nous ont le plus marqués, mais tellement d’autres nous ont interpellés ! Il ne faudrait pas moins d’un livre pour lister toutes les nouveautés qui ont percuté nos sens, même si nous nous limitions aux 2 premières heures. Mais pour dire la vérité, nous ne pourrions pas écrire ce livre. Tout simplement car ces nouveautés étaient bien trop nombreuses pour que nous puissions toutes les intégrer. On ne retrouve presque rien du mode de vie occidental dans les rues indiennes. Le dépaysement est complet, presque inadmissible.

Nous sortons de New Delhi et prenons la NH2 direction Agra. Le paysage est sec et plat. Monotone. Les scooters qui se mettent à notre niveau et nous demandent d’où l’on vient et où l’on va avant de repartir sont nos seules distractions. Doucement, nous nous acclimatons au pays, et après 3 jours de route, nous entrons dans Agra. Nous y passons une journée complète, à déambuler entre les splendides architectures que l’empire Moghol a laissées derrière lui.

Sikandra, le mausolée de l’empereur Akbar, qui dirigea l’empire Moghol 1556 à 1605.


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Le fort d’Agra, lui aussi construit par l’empereur Akbar. C’est ici que l’empereur Shâh Jahân passa les 8 dernières années de sa vie, enfermé par son fils Aurangzeb pour ne pas l’avoir soutenu comme successeur (et avoir soutenu son frère aîné Dârâ Shikôh à la place). De sa prison, il gardait « fort » heureusement une vue directe sur son chef d’oeuvre, le Taj Mahal…


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Le Taj Mahal. Merveille des merveilles. Construit par l’empereur Shâh Jahân en mémoire de son épouse bien-aimée Arjumand Bânu Begam. La construction commença en 1631 et dura 22 années. Pas moins de 20 000 ouvriers furent appelés pour mener à terme ce chantier colossal.


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Damien : « L’ensemble est sublime, l’harmonie parfaite, le Taj Mahal est assurément l’un des plus beaux monuments que j’ai vus de ma vie. Mais au pied du mausolée, l’enchantement se brise…

Il faut faire la queue avant de pouvoir entrer dans le tombeau, mais ces bipèdes que j’ai devant moi ne sont pas humains. Qu’est-ce que cette file d’attente sinon un troupeau d’animaux ?! Samuel renonce à s’engager dans cette arène de violence. Je continue donc seul vers la porte, poussé par un intérêt bien plus anthropologique que touristique, et rapidement je me retrouve encerclé par la foule.


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Les Indiens me bousculent vers la gauche ou la droite pour me doubler, vers l’avant pour aller plus vite, et le spectacle n’est pas fini ! Une fois à l’intérieur, on fait le tour du couple royal comme on ferait le tour du dernier prototype Apple au salon de l’électronique de Las Vegas. On se monte les uns sur les autres pour prendre des photos, le brouhaha des conversations se répercute dans un raisonnement permanent, et les coups de sifflets fusent toutes les 10 secondes dès que quelqu’un a le malheur de ralentir la marée humaine.


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La raison d’être du Taj Mahal n’est plus. Peu importe l’amour qui a donné vie au monument, seul compte le trophée pixélisé que l’on rapportera. Sortir du mausolée est un soulagement immédiat, mais on éponge difficilement le non-sens de sa traversée.

Par contre, un regard en arrière juste avant de quitter l’enceinte peut aider… »


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Somme toute, ce fut une très belle journée, et presque reposante malgré l’effervescence touristique ! D’une part nous étions à pied, et d’autre part, et c’est le plus important, nous n’avons vu aucune trace d’incompréhension, d’envie ou de méchanceté dans les regards que nous croisions. Lors des 3 derniers jours, dans les campagnes entre Delhi et Agra, nous avions souvent lu ces émotions autour de nous. Mais ici, nous n’étions que 2 touristes parmi d’autres, nous étions détendus.

Et pour finir en beauté, pourquoi ne pas monter sur le roof-top de l’hôtel ?
Et tester le Coca-Cola local… devant le Taj Mahal !
Thums up !


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Le lendemain, nous avons quitté Agra direction Jaipur. Sans rentrer dans les détails, la maladie nous a cueillis l’un après l’autre, compliquant notre avancée. Il nous a fallu 4 jours, et l’aide d’un camion sur la dernière portion, pour venir à bout de 250 km complètement plats, c’est vous dire !

Mais à Jaipur, une fabuleuse nouvelle nous attendait…

Et rassurez-vous, entre deux maladies, nous avions notre quota de rire !


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A suivre…

7 comments Ajouter un comentaire

  1. Enfin te voilà de retour ! Merci encore de partager avec nous tous . Et en plus c est long et détaillé , j ai passé un moment en inde avec vous , j ai entendu les klaxsons , j ai vu les sourires de ces enfants ….. Encore encore …. Et bon courage a toi samuel dont j admire la performance , tu n as pas commencé par le plus facile . Bisous a vous deux


  2. Nous constatons avec bonheur que votre aventure aussi périlleuse soit-elle avance, malgré les peines, les souffrances et les dépaysements. Reviendrez-vous « grandis » de cette aventure? Sûrement! Pour le moment vous êtes loins des soucis du monde occidental, ce n’est pas plus mal. Le climat est ici aussi morose que le temps. Peut-être devrions-nous vous accompagner pour que nos yeux s’ouvrent sur ceux plus mal menenés que nous!…
    Bonne route!


  3. vous aurez des souvenirs formidables !!c’est super ! mème si , c’est parfois difficile ! je vous lis avec grand plaisir !! courage ,à bientot de vous lire !! courage et .. bons vents !!!!!!


  4. Entre le boss final, le mode miroir et la mêlé, ces bonnes références me font sourire dès le début de l’article! 🙂
    Je vois que l’acclimatation n’est pas si facile, mais vous gardez bien le moral en positivant quelle que soit la situation! Vous irez loin, très loin! 🙂
    Petit Frère je suis fier de toi! Tu commences vraiment bien ton aventure! 🙂


  5. Y a plus de place sur ce forum indien il faut s’y faufiler et jouer des coudes pour y placer un mot! Certes hormis le taj Mahal ce post nous fait moins rêver que les grands espaces sud Américains mais par contre il m’a bien fait rire.. On attends aussi la prochaine recette au piment indien. à suivre…
    Philippe.


  6. ah des nouvelles! et je lis vos aventures avec émotion!Cela m’évoque de beaux souvenirs qui datent maintenant…prenez bien soin de vous et appréciez tout ce que vous vivez…mais je sais que c’est le cas.Je pense bien à vous et vous embrasse affectueusement.courage Samuel ! Je t’envie un peu…
    A bientôt pour la suite JP


  7. Votre aventure m’épate et m’émerveille ! C’est formidable mais, ça ne doit pas être facile tous les jours ! Bravo à toi Samuel.
    Bises
    Sophie


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