La Bolivie, de la Route des Lagunes au Salar d’Uyuni
Jeudi 28 novembre, 6h du matin. Lorsque notre réveil sonne, nous avons déjà les yeux grands ouverts. En Bolivie, l’aube n’existe pas. Une lumière éblouissante inonde déjà notre dortoir. Notre esprit est immédiatement opérationnel et une heure plus tard, nous sommes prêts…
Il est 7h. Nous sommes devant le refuge. Les yeux tournés vers la Route des Lagunes. Le guidon entre les mains. Un pied à terre, l’autre sur la pédale. Dans quelques instants, nous nous élancerons !.. « Nous nous élancerons ? » Disons plutôt que, dans quelques instants, nous essaierons de mettre en mouvement les 65kg qui nous servent de moyen de transport. Jamais notre vélo n’a été aussi lourd… et toujours sans batterie ! (en plus des deux semaines de vivres, nous avons maintenant 9 L d’eau, donc 6 de plus que d’habitude, pour 2 jours d’autonomie) Et jamais nous n’avons roulé sur une route aussi difficile que celle qui nous attend. Pendant les 10 prochains jours, l’asphalte restera l’attribut des rêves…
Le challenge est électrisant. Et il l’est d’autant plus que nous roulerons certainement dans les plus beaux paysages que nous ayons vus jusqu’alors. Tellement beaux qu’ils justifieront à eux seuls tous nos efforts ? Il n’y a plus un instant à perdre, ce n’est qu’en nous jetant dans l’aventure que nous aurons la réponse…
VAMOS !
Les premiers coups de pédales sont largement récompensés : à 2 km à peine du refuge, nous sommes accueillis par la Laguna Blanca… Nous sommes devant LE plus beau panorama du voyage ! Et si ce n’est que le début, qu’est-ce que la suite nous réserve ?!
Juste à côté de la Laguna Blanca, le spectacle continue avec la Laguna Verde
Une pente douce nous amène alors à une pente forte, qui nous amène à 4726m. Le chemin gravé par les 4×4 est à peu près solide, et nous ne descendons de vélo que rarement. Nous traversons ensuite le désert de Dali, qui doit son nom aux rochers (d’origine volcanique, crachés par les volcans des alentours) qui le parsèment et évoquent les paysages peints par le peintre Salvador Dali. Rien d’incroyable.
Nous comprenons vite que la route des lagunes, c’est avant tout une question de stratégie : il faut constamment changer de « voie » (une voie = la trace d’une roue de 4×4) pour éviter les bancs de sable et les bosses (comme des vaguelettes). Mais parfois, pas d’échappatoire, il n’y a pas de 3ème option : il faut choisir entre le sable et les bosses…
Nous arrivons à la Laguna Chalviri en début d’après-midi et découvrons avec surprise qu’un cadeau nous y attend. C’est Noël avant l’heure : juste devant le refuge, un bassin aménagé autour d’une source d’eau chaude naturelle nous tend les bras ! Nous y passons 5h d’affilée à nous prélasser, discutant avec deux autres cyclotouristes (arrivés la veille mais prisonniers des bienfaits de la source), jusqu’à ce que le soleil meurt et que naissent les étoiles.
 Quand l’eau est à 38°C, difficile de se résoudre à la quitter !
Le lendemain, nous atteignons ce qui sera certainement le plus haut point de notre tour du monde : 4926m. Le chemin est toujours roulant mais rouler n’en est pas aisé pour autant. Nous sommes tellement concentrés à esquiver sable et bosses que nous prêtons à peine attention au vent contraire qui nous balaie. Notre pire ennemi d’antan n’est maintenant plus qu’un titillement mineur, effacé par une difficulté encore plus grande : un terrain chaotique. De la Laguna Chalviri, ce ne sont que 20km et 500m de dénivelé, mais l’ascension nous semble interminable. Sable, bosses, vent et manque d’oxygène font un cocktail cuisant.
Mais quel fierté lorsque le sommet est enfin sous nos pieds ! 4926m ! Et pourtant, des montagnes encore plus hautes pourtant nous entourent.  Un brin d’humilité nous traverse pendant un instant… mais la fierté reprend vite sa place : si nous avions pu voir le Mont-Blanc à ce moment-là , nous l’aurions regardé de haut ! We did it !
Et la journée nous réservait encore quelques inconnus. Après 2km de descente, nous découvrons les geysers Sol de Manaña. Nous installons la tente à 50m des piscines bouillonnantes, engloutissons 500g de pâtes et sombrons dans le sommeil. Il est 19h30…
Le lendemain, notre réveil est tout simplement surnaturel. Les calmes geysers de la veille ont eux aussi repris des forces pendant la nuit et inondent l’air matinal d’une dense fumée, obscurcissant même la lumière du soleil à peine naissante.
La redescente nous conduit à la Laguna Colorada. Les 15 derniers km avant le refuge sont ensablés par intermittence et plutôt difficile à gérer. Mais encore une fois, le paysage est là pour motiver nos efforts : la lagune est superbe !
Avant d’arriver au refuge, nous faisons une pause au bord de l’eau, en compagnie des flamands roses.
Malheureusement, c’est à la Laguna Colorada que la route des lagunes s’est achevée pour Léo. Sa douleur au tendon d’Achille l’avait repris dès le 1er jour, et les piques de douleurs ressentis lors de ces 15 derniers km ensablés l’ont convaincu de la gravité de la situation. Pour la deuxième fois, nous nous sommes séparés : Léo est parti en 4×4 se reposer à Uyuni, et Damien a continué sur la routes des lagunes. Rendez-vous fut pris : « dans une semaine sur l’île d’Incahuasi, au milieu du Salar d’Uyuni ! »
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Damien : « Quelques mots pour résumer mon expérience sur cette route des lagunes. Jamais je n’avais roulé sur un terrain aussi difficile. Le sable, les bosses, les cailloux m’ont plus d’une fois rendus fou. J’ai mis 7 jours pour parcourir les 300km de la Laguna Blanca à San Juan… Et en 7 jours, j’ai mis pied à terre et poussé mon vélo plus que je ne l’avais fait dans toute ma vie auparavant. Certains imprévus sont même venus en rajouter une couche : ma sacoche arrière gauche a par exemple succombé au milieu de nul part, sous les chocs répétés d’une longue série de bosses. Et Léo avait le kit de couture…
Mais clairement, ça valait le coup. Avant d’entamer la route des lagunes, j’avais entendu plusieurs personnes regretter d’avoir pris ce chemin, maudissant les conditions de roulage. Moi aussi j’ai maudit le sable, les bosses, et les cailloux (surtout les bosses), mais toujours, dès que je relevais les yeux, ma rage s’évaporait, brûlée par l’émerveillement. Le secret de cette route, c’est tout simplement de prendre son temps : ne pas rouler pour faire des kilomètres, mais rouler pour s’extasier du paysage et respirer son atmosphère.«Â
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7 jours plus tard, nous nous sommes retrouvés comme prévu, sur l’île d’Incahuasi, au milieu du Salar d’Uyuni. Formidable, non ?
Malheureusement, le tendon de Léo n’a pas eu le temps d’oublier sa tendinite : la douleur est stable, mais toujours présente. Nous décidons donc de rejoindre La Paz sans détour. Nous traversons le salar jusqu’à sa limite Nord, dormons à Tahua, et pédalons le lendemain jusqu’à Salinas de Garci Mendoza. Deux bus nous amènent alors successivement à Oruro puis La Paz. Après 3 semaines dans un monde à la fois limité par les 5 sens et embelli par la seule possession des 5 sens, la vie citadine nous rouvre ses portes. Une vie avec un toit, une connexion internet… et des routes goudronnées !
Le Salar d’Uyuni, plus vaste désert de sel du monde, permet de drôles illusions d’optique… Il aurait été dommage de ne pas en jouer, et pourquoi ne pas illustrer cette tradition bien connue des cyclotouristes : celle de rouler nu sur le salar…Â
Tradition que nous avons honorée bien entendu ! 🙂
Une fois encore, nos EPGR (*) nous en mettent plein la vue en nous faisant partager ces si magnifiques images d’une nature sauvage La lenteur du vélo (surtout sans assistance) donne le temps d’admirer ces couleurs autant que les immensités blanches. Wonderful, Wunderbar, Maraviloso, Mangalisayo…
Philippe.
(*) EPGR Ecrivains Photographes Globe Riders voir épisode précédent.
El maravillo DUO jamas será vincido !
Alta lé corrazon (haut les cœurs !!!!!) qué bravo !
Où serez vous le 24? Joyeux Noël et merci de votre immense cadeau, quelle luminosité en vous et autour de vous !
Merciiiiiiiiiiii
j’ai du retard pour mon commentaire pour cause de vacances familiales mais bravo pour ces belles photos et pour ce beau récit!!L’an dernier je suis resté habillé sur le salar…mais je n’étais pas à vélo!Incahuasi et ses cactus géants en fleur était incroyable…so amazing…!
a bientôt le plaisir de vous lire
Ravis d’avoir reçu de vos nouvelles, une carte de Bolivie arrivée à destination avec adresse approximative et sans nom, bravo la Poste!!!
Trop sympa de revoir à travers vous les paysages boliviens.
Bonne route et…BONNE ANNEE 2014!!!!!