De Buenos Aires à Salta, 1800 km vers les Andes ! (part II)
Aguilares. Concepcion. Monteros. Acheral. Les montagnes se font de plus en plus imposantes à mesure que nous nous rapprochons. Elles sont là devant nous, des escaliers de géants nous mettant au défi…Â
A Acheral (350m), nous bifurquons à gauche pour prendre la route 307. L’ascension commence, doucement d’abord. Il est près de 15h.
Est-ce parce que nos jambes ont pu se reposer lors de ces 2 derniers jours, alors que nous allions de pick-up en pick-up au lieu de pédaler ? Est-ce parce que nous pouvons rouler côte à côte (la route est très peu fréquentée) et discuter ? Toujours est-il que les premiers kilomètres sont faciles. Nous grimpons dans une forêt quasi tropicale, dans un concert d’instruments à plumes. L’euphorie pourtant ne dure pas. La pente demande de plus en plus d’efforts, la fatigue musculaire se fait de plus en plus ressentir…
Jusqu’à ce que, vers 19h, nous trouvions le paradis. Le terrain est plat, molletonné d’herbe. Un ruisseau court en contrebas… Le temps de poser nos vélos et nous voilà tête sous l’eau. Elle est fraîche et limpide, son courant est la meilleure des masseuses. Après 4 jours passés dans le vent et la poussière, ce bain nous envoie direct au 7ème ciel.
Le soleil se couche. Il s’agit maintenant de mettre du carburant dans la machine. Nous avons de quoi manger, mais nos réserves d’eau sont épuisées. Qu’à cela ne tienne ! Nous avons un ruisseau et nous avons un filtre. Pour la première fois, nous pompons notre propre eau potable. Nous sommes en pleine nature, autonomes, sous un ciel d’une clarté étincelante. Dieu qu’il fait bon être nomade !
Le lendemain matin, pas de tour d’échauffement : la pente à 10% que nous avons quittée la veille nous attend de pied ferme. Nous grimpons et grimpons, toujours sous un dense couvert de végétation. Difficile de voir d’où l’on vient. Difficile de voir où l’on va. Quand d’un coup, le vert s’évapore. Les montagnes quittent brutalement leur masque pour afficher leur peau véritable. Aussi loin que porte notre regard, la lumière ne nous renvoie qu’une unique couleur : le jaune. Les arbres ont disparu, seuls quelques buissons s’accrochent encore à l’aridité du sol… Nous avons passé un cap, celui des 2000m !
La route s’aplanit puis descend doucement. Devant nous : Tafi del Valle. Les 10 derniers km ont beau être en pente, ils nous semblent interminables. Il est midi quand nous arrivons au centre-ville. Nos jambes et notre estomac ont mérité leur pause.
Le lac qui s’étend jusqu’à , en arrière-plan, Tafi del Valle
Derrière Tafi del Valle, la route reprend de l’altitude. « Bah, on a sans doute fait le plus dur ce matin, ça devrait redescendre juste après… » Que nenni, l’ascension continue ! Vers l’infini et au delà . Chaque crête fait naître l’espoir de la redescente, espoir qui ne dure qu’un temps, jusqu’à ce que le rideau tombe et dévoile une autre crête encore plus haute. Un autre rideau. Lassés par tant de désillusions, nous délaissons le futur et profitons du présent. Autour de nous, à la fois spectateurs et spectacles : le jaune des montagnes et le bleu du ciel.
Et puis finalement nous arrivons au sommet, « El infiernillo » (3050m). Jamais nous n’avions été aussi haut en vélo et, après plus de 2000m de dénivelé positif dans la journée, ce col a un sacré goût de victoire !
Nous avons effectivement gagné cette bataille, mais voyez par vous-même… la guerre est loin d’être finie !
Quelques kilomètres après avoir passé le col, nous quittons la route pour installer notre bivouac près du ruisseau. 10 minutes pour filtrer et remplir les 3L d’eau de nos gourdes, dont 1L part pour la cuisson des pâtes… Cuisson qui s’arrête brusquement. Notre réchaud ne contient plus une seule goutte d’essence. Heureusement, nous avons plus d’un tour dans notre sac !
Précisons tout de même que cuire des pâtes en deux temps n’est pas l’idéal. La cuisson al dente est un rêve fort lointain.
Le lendemain, la redescente vers Amaicha del Valle nous offre un panorama grandiose. Le paysage est très sec, le cactus règne en maître sur la flore locale. La pente continue jusqu’à Quilmès (une sonorité qui nous est assez familière puisqu’il s’agit de la marque de bière la plus répandue en Argentine 😉 ) ; nous touchons alors le fond de la vallée.
Après Cafayate, le vent se lève. Fort. Notre progression devient rapidement une vraie lutte, tant physique que mentale. Mais à une vingtaine de kilomètres se dessine notre chance de salut : une chaîne de montagne, derrière laquelle notre route semble se réfugier. Peut-être serons-nous alors protégés du vent ? L’espoir fait vivre et nous redoublons d’efforts pour atteindre cette sierra…
Surprise ! Une deuxième chaîne se cachait derrière la première et la route a décidé de se faufiler entre les deux. Résultat : nous nous retrouvons dans un couloir. Le vent n’a pas disparu. Il est au moins aussi fort que dans la vallée.
Et surprise ! Cette fois-ci bien meilleure : nous entrons dans cette combe, presque un canyon, et découvrons le plus beau paysage que nous ayons vu jusqu’alors. Avec nos écouteurs dans les oreilles, du bon son, le vent se voit bloqué aux portes de notre psyché. L’énervement s’évapore, la musique même nous électrise. Nous pédalons dans un autre univers, entre l’ocre sombre des montagnes et le gris ténébreux des nuages. Le vent hurle, désespéré de ne pouvoir faire ne serait-ce que frissonner ces montagnes. Lorsqu’il nous voit arriver, il sait enfin sur qui déverser sa frustration. Pour nous, chaque kilomètre est une victoire. Nous roulons en pleine apocalypse. Mais quel bonheur ! Quel pied !
Après ces 100km serpentant entre les montagnes, le reste n’est que pure formalité. Nous voilà au terme de cette étape sans batterie. Nous sommes arrivés à Salta !
Ouah! Que c’est beau !
Qui de vous deux est le poète ?
Bisous et bravo !
Merci, ça fait drôlement plaisir à entendre. Et merci de nous soutenir par tous ces commentaires !
Damien
SUPERRRR…………
Depuis le début, vos récits et photos nous émerveillent.
Quelle générosité de nous faire ainsi partager votre belle aventure !!!
Pour nous : beaucoup de plaisir et un peu d’évasion. Merci… et au prochain tour de pédale.
que de beaux paysages qui me rappellent de bons souvenirs de mes voyages chiliens et argentins.avez-vous un mètre pour mesurer cuisses et mollets?!En tout cas j’espère que vous allez récupérer vos batteries à Salta.Continuez de bien profiter!!JP
Merci de nous faire partager votre aventure . Belle avancée dans la « beauté du monde » et courage à vous! A coeur vaillant rien d’impossible!… Ouvrez grands vos yeux sur ces paysages magnifiques.
bonjour, heureux de vous retrouver et de voir que vous avez l’air en forme même si cela n’est pas toujours facile …
Les paysages sont superbes, surtout les dernières photos de montagne. C’est quand même sauvage et inhabité.
On espère que vous allez bien récupérer vos batteries.
A bientôt le plaisir de vous lire. Bisous et bonne route.
gene et pascal
C’est toujours un bonheur de lire vos récits. Malgré le désagrément lié à l’absence temporaire des batteries, vous gardez le moral et la parole philosophique ! Ce voyage promet encore des belles surprises (que des bonnes j’espère 😉 ) Courage les batteries n’ont jamais été aussi près de vous.
Extra ! Cette fois çà y est, le grand depaysement, la nature , les grands cactus, les bivouacs… attention aux Indiens quand même. Même sans batterie vous ne manquez pas d’énergie.