Ride The Flavour (fr)

L’Himalaya, bastion de la liberté en Inde

Juil. 4th | 6 commentaires

Comme je vous le disais quelques jours auparavant, l’Himalaya fut ma prison enneigée pendant ce dernier mois. J’y suis entré peu après avoir dépassé Srinagar, et n’en m’en suis évadé que 900 km plus loin, à Manali. Pendant un mois, j’ai vécu constamment encerclé par des sommets plus élevés. Une fois pris au piège, je me suis rendu compte que je n’avais plus guère que deux options si je voulais un jour retrouver la civilisation : faire demi-tour ou continuer à rouler… Hors de question de rebrousser chemin, mais quand vous avez devant vous 14km de dénivelé positif, l’aventure ressemble beaucoup à un camp de travaux forcés !

Mais qu’ai-je bien pu faire pour mériter cette peine ? Pour quels motifs cette incarcération m’a-t-elle été imposée ?

Je suis en fait le seul responsable de mon emprisonnement. Les montagnes, aussi difficile qu’il soit de pédaler dans leurs courbes, sont pour moi un tremplin vers la liberté. La liberté la plus vaste qu’il m’a été donnée de goûter depuis que je suis en âge de me souvenir. Et cette liberté, à ce moment-là plus que jamais, j’en avais besoin.

Avant même d’atterrir à New Delhi, Samuel et moi savions que nous irions au Ladakh, ne serait-ce que pour fuir la chaleur insoutenable du reste de l’Inde. Nous avons commencé à rouler, et au fur et à mesure que les jours s’égrenaient, atteindre les montagnes est devenu une nécessité. Mais ce n’est pas la chaleur que nous voulions fuir… Nous voulions fuir l’Inde. Fuir son incessante effervescence. Fuir ses constantes sollicitations. Nous avions besoin d’espace, et nous avions besoin de calme.

A Dharamsala, Samuel avait décidé de continuer le voyage en bus. J’ai donc vécu mon incarcération majoritairement dans la solitude. J’ai roulé ces 900km, de Srinagar à Manali, dans la plus vaste des libertés…

Loin de moi l’envie de vous décrire tous les cols que j’ai grimpés, mais quelques moments forts valent le coup d’être racontés… et surtout imagés !


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Avant tout, il faut dire que je n’ai pas toujours été tout seul sur la route. Et la première des rencontres ne s’est pas faite attendre. Le 28 mai, juste après avoir quitté Srinagar, j’ai rattrapé Shrine et Kevin, un jeune couple américain vachement sympa, avec qui j’ai roulé 3 jours, jusqu’à ce que nous ne nous séparions à Kargil.

Les voilà dans l’effort…


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Ensemble, nous avons grimpé un premier col à 3500m (Zoji La), et sommes entrés au Ladakh !


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Notre maison le temps d’une nuit, une bergerie perdue au milieu des montagnes


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J’ai ensuite parcouru les 210km qui séparent Kargil de Leh en 3 jours. 70km par jour en moyenne ? « Easy ! », me direz-vous. Mais c’est sans compter les 3800m de dénivelé positif qui vont avec… Autant vous dire que je suis arrivé à Leh sur les rotules !

Namika La, 3700m d’altitude


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Un villge ladakhi profitant d’un ruisseau entre 2 montagnes


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Fatu La, 4100m d’altitude


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La magnifique couleur émeraude de l’Indus, traversant le minéral des montagnes


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Et au bout de l’effort, les retrouvailles avec Samuel ! Jullay ! (« bonjour » en Ladakhi)


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A Leh, j’ai donc retrouvé mon frère Samuel. Nous y avons passé 2 semaines, pendant lesquelles :

1) Nous sommes tombés malades et avons guéri.
2) Nous avons loué une moto pour découvrir des beautés naturelles des alentours
3) Nous sommes tombés malades et avons guéri

Rien de fascinant concernant les points 1) et 3), mais voici le point 2) en quelques images !

Nous sommes d’abord aller nous balader 2 jours dans la Nubra Valley… et pour ce faire, il faut passer le plus haut col motorisé du monde ! (c’est en tout cas ce que prétendent nos amis indiens)
Khardung La : 18380 feet / 5602 m


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Le premier point de vue sur la vallée


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Le plus joli point de vue sur la vallée


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3 et 4ème jours : Pankong Lake !


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C’est le samedi 14 juin que je remonte en selle pour la dernière ligne droite de mon parcours en Inde. Enfin, façon de parler, car ce n’est pas exactement une ligne droite qui m’attend… Ma destination finale est Manali, et entre Leh et Manali s’étendent 480km d’une route qui en fait ne cesse de zigzaguer, soit pour suivre un cours d’eau et ainsi éviter les montagnes, soit au contraire pour attaquer un col et en faciliter l’ascension. Et des cols, il n’y en a pas qu’un : pas moins de 5 gardent la porte de sortie de l’Himalaya ! 5 cols qui, mis bout à bout, représentent 7300m de dénivelé positif… Somme toute, j’ai devant moi une bonne semaine de fun !

Et on attaque directement par le col de plus haut de la série : Taglang La, 17480 feet / 5328 m et 2ème col motorisé le plus haut du monde ! (toujours selon nos amis indiens)

Une indication qui m’a un peu fait rire jaune. « You are JUST 24 km from Taglang La »… JUST ?! De ce panneau, j’ai mis 6h pour atteindre ledit Tanglang La !


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Des lacets à n’en plus finir, une tension musculaire constante, et un duel mental perpétuel entre persévérance et doute… C’est ce que j’ai vécu pendant les 11h qu’on duré les 60km d’ascension non-stop. Mais malgré tous ces efforts, un plaisir profond et indéfectible m’enveloppait et allégeait le travail de ma volonté. Jusqu’au bout ce plaisir m’a porté, et il suffisait de regarder en arrière pour le voir grandir…


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Je ne me rappelle pas avoir pensé à autre chose que cette ascension, je ne rappelle pas avoir vu mes pensées s’aventurer plus loin que ma roue avant. Ma réalité ne dépassait pas le présent. Seulement à l’approche du sommet, je me projetais parfois au sommet et des larmes venaient alors emplir mes yeux. Lorsque j’ai enfin et réellement atteint le sommet, je suis descendu de vélo et toute la tension qui m’avait maintenu pendant la montée s’est relâchée, toute la pression contenue pendant la montée s’est échappée. Des larmes ont empli mes yeux, mais cette fois-ci la digue s’est retrouvée submergée et les flots ont inondé mes joues. Des larmes nerveuses qui sont devenues des larmes de pure joie : j’avais réussi, j’étais à 5328m, sans doute le point le plus haut que j’atteindrai jamais à vélo !

Toutes les fortifications qui étayaient mais aussi contraignaient mon esprit s’étaient effondrées, jamais du voyage je ne m’étais senti aussi léger qu’à ce moment-là.


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Il était 13h, le 16 juin. C’était mon 3ème jour de route depuis Leh. 4 jours plus tard, le 20 juin, j’arrivais à Manali sous la pluie… Bilan : 480km et 7300m de dénivelé positif en 7 jours sur un vélo de 50kg. J’ai donc passé le plus clair de mes journées sur mon vélo, mes pensées oscillant entre les magnifiques paysages et elles-mêmes, et rien d’exceptionnel n’est tombé sur ma route. Continuer à écrire sur le sujet deviendrait du coup soit très inintéressant soit très personnel. Vous pouvez en revanche découvrir les dernières photos du voyage ici !


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« Rien n’est venu illuminer ma route »… si ce n’est de très belles rencontres ! Fabrice, que j’ai croisé le soir même de mon départ de Leh et que j’ai revu une semaine plus tard au festival Arudra, un festival de musique trance (très bon !) à côté de Manali. Thierry et Ève, un couple français de cyclotouristes avec qui j’ai passé une soirée entre 2 cols. Et malgré l’incroyable sentiment de liberté que l’on peut ressentir en voyageant seul, ces rencontres m’ont rappelé une vérité fondamentale : il vaut mieux renoncer à une partie de sa liberté pour pouvoir partager ce qu’il en reste avec un frère ou un ami…

Les 3 derniers lacets du dernier col (Rhotang La) avant Manali. Les derniers efforts (ou presque) que mes jambes ont eu à fournir en Inde.


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Après 2 jours de transe musicale, j’ai pris un bus pour rentrer à New Delhi. J’ai retrouvé Samuel et nous avons pris l’avion… En ce moment, je vous écris de Belgrade, en Serbie. C’est de là que reprendrons nos aventures !

A suivre…

6 comments Ajouter un comentaire

  1. Wouahhhhh ! Quelle force physique et mentale , cette dernière étant surement la plus importante pour tenir aussi longtemps . Ces sommets resterons en toi et les avoir franchis t aidera plus tard a en franchir d autres plus immatériels . Je t ai suivi tout au long de ton voyage en Inde et te remercie car c est un pays ou je n irai sans doute jamais , alors grâce, a toi je l ai un peu parcouru . Bisous a vous deux . Claire



  2. Chapeau bas ! je suis très impressionnée par les prouesses de mon filleul … Ces aventures magnifiques vont t’aider à poursuivre la route et t’ont sûrement appris l’essentiel sur toi et sur la rencontre de l’Autre; bon voyage en Serbie et en Croatie avec le reste de la famille !


  3. passionnant de suivre la fin de ton (votre)parcours indien merci encore de me faire rêver et avec ce superbe style !!et bravo pour les records ….a bientôt Samuel et Damien grosses bise


  4. Belle prouesse Damien, beaucoup de cols, et beaucoup de couleurs…que l’aventure continue !


  5. Magnifique ! J’imagine que ce genre d’expérience ne peut pas être comprise tant qu’on ne l’a pas vécue soi-même …
    Tu t’es lancé dans un remake de « Into the Wild » ? 😉 Enfin heureusement tu t’es rendu compte de toutes ces choses bien plus rapidement que Christopher dans le film !


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