Ride The Flavour (fr)

Au Guatemala, dites bonjour aux Mayas !

Fév. 27th | 3 commentaires

Vendredi 7 février. Nous arrivons à la Hachadura, dernière ville du Salvador avant la frontière. Pas de tampon de sortie du Salvador, un petit pont à traverser, et un tampon d’entrée au Guatemala expédié en moins de 30 secondes… Jamais nous n’avions passé une frontière aussi rapidement : en moins de 5 minutes montre en main, nous avions officiellement changé de pays !

Nous rangeons nos passeports et remontons tout de suite en selle. L’envie de rouler n’arrive pas beaucoup plus haut que le pédalier, mais nous arrivons tout de même à mettre 85km derrière nous. Et la récompense est belle : nous découvrons le Rancho Linda Maria, une belle propriété, très aérée, et qui s’étend le long d’un puissant torrent d’eau claire. Nous lavons nos vêtements les pieds dans la fraîcheur du courant, puis notre corps la tête dans la tempête aquatique. C’est une renaissance, comme à chaque fois qu’un bain vient clore une longue période hygiénico-déficiente 😉

De retour sur la terre ferme, nous rencontrons un groupe de Guatémaltèques venus inaugurer un week-end de détente. Ils nous invitent à leur table et s’ensuit alors une heure bouillonnante, maintenue par le feu d’une discussion ininterrompue. Nous en profitons pour leur demander ce qu’ils entendent exactement par « Gringo ». Depuis le Salvador, les « Eh, gringos ! » fusent sur notre chemin (les enfants en particulier ne manquent pas une occasion, c’est un quasi réflexe chez eux !), il était temps de comprendre le message…

« On appelle ‘Gringos’ les Américains », nous explique Mario, « en toute rigueur, vous n’êtes pas des Gringos, mais vous êtes blonds aux yeux bleus… pour les gens d’ici, vous ne pouvez être qu’Américains.
– Mais c’est assez péjoratif, non ?
– Oh oui… Et pas qu’un peu mon neveu ! Nous n’aimons pas trop les Américains ici. Il n’y a bien que pour les enfants que c’est innocent. »

Après ces révélations, nous étions plutôt soulagés d’être Européens, nous pouvions maintenant affirmer sereinement : « no somos Gringos ». Mais les piques n’ont pas cessé pour autant, nos cheveux étaient toujours blonds, nos yeux toujours bleus…

Le lendemain, nos batteries mentales affichent un 100% inébranlable. Nous passons Escuintla et arrivons à Antigua. Nous n’en avions entendu que du bien et Antigua est effectivement une jolie ville coloniale, mais en vérité nous avons eu du mal à en apprécier l’authenticité tant il y avait de touristes et de boutiques dédiées aux touristes. Finalement, la vue des petits stands de tostadas devant la belle église de la Merced sera sans doute la première à resurgir de notre mémoire à l’évocation d’Antigua.

Heureusement, l’authentique nous a vite rattrapés ! Échappons-nous des sentiers battus et faisons un petit bon dans le temps et l’espace… Nous sommes maintenant dans les ruines de Iximche, à côté de Tecpan. Les ruines en elles-mêmes sont assez peu explicites mais la visite a soudainement pris un tournure extraordinaire. Nous avons été invités dans le cercle d’un rituel hérité de la plus pure tradition Maya : un « agradecimento », un remerciement aux ancêtres…


dsc02632

Aujourd’hui est un jour spécial du calendrier maya, le jour des ancêtres. Derrière les ruines de Iximche, un groupe de Guatémaltèques accompagnés de  deux guides spirituels s’apprêtent à entamer un « agradecimento » : tous travaillent dans l’éducation et, en ce début de semestre, il veulent remercier les ancêtres pour le travail qui leur a été confié. Le rituel se déroule autour d’un feu sacré (à travers lequel les ancêtres, omniscients, peuvent communiquer et montrer la voie aux vivants, et que les guides spirituels sont censés pouvoir interpréter), et dans la langue maya, le Tzutujil.

Après une tirade interminable (et absolument incompréhensible pour nous, s’il est besoin de préciser… le Tzutujil n’a jamais été notre fort à l’école), les guides spirituels allument enfin le feu sacré. L’un d’eux vient alors vers nous, assis un peu en retrait, et nous tend des bougies. De spectateurs, nous allions rentrer dans le cercle. Quelques secondes plus tard, nous les rejoignions autour du feu.

Nous recevons ensuite un bouquet de fleurs et d’herbes aromatiques. Les guides spirituels s’en servent alors pour nous purifier chacun notre tour : ils nous balayent le corps de la tête aux pieds en prononçant des prières, des prières aux ancêtres pour qu’ils nous protègent. Une fois libérés de toute énergie négative (et gonflés d’énergie positive), nous embrassons le bouquet 3~4 fois et le déposons au bord du feu.

La cérémonie se poursuit pendant encore une heure peut-être… Nous continuons à remercier les ancêtres en brûlant des bougies dans le feu, nous buvons de l’alcool (100% naturel comme tout ce qui est utilisé dans le rituel) à leur santé, et nous fumons ensemble pour maintenir un esprit de partage. Alcool et cigarettes, l’âme est saine, le corps un peu moins !

Mais tout ceci reste bon enfant. Nous participons à la cérémonie en gardant notre esprit grand ouvert. Mais alors que nous arrivons à la conclusion du rituel, d’un coup la naïveté s’effondre : nous assistons au sacrifice d’un coq. Ils lui font boire de cet alcool naturel pour qu’il se tienne tranquille, l’un des guides spirituels le prend alors entre les deux mains et le remue devant chacun des membres du groupe (pas devant nous, et heureusement). Finalement, ils s’y mettent à deux, vrillent la tête du coq et l’arrache. Ils tournent le geyser vers le feu mais trop tard, leur chemise est tachée de sang. Son corps se débat sans comprendre qu’il est déjà mort, son sang se tarie, et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il se retrouve déplumé et jeté en morceaux dans le feu.

Le sacrifice met fin à notre rêverie. Avant de partir, nous demandons :
« Pourquoi avez-vous sacrifié ce coq ? Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Ce coq est l’offrande d’une vie en remerciement de la vie qui nous est accordée. Nous respectons toutes les formes de vie, toutes font partie de la Madre Tierra et toutes sont aussi importantes les unes que les autres. Mais comme nous ne pouvons pas sacrifier un humain, nous sacrifions un animal. »

Ce meurtre nous a laissé un goût amer dans la bouche. Nous avons pu mettre un visage sur ces croyances qui demandent des sacrifices en offrandes et notre vision est nette : ce visage est hideux.

Notre route nous amène ensuite à Panajachel, au bord du lac Atitlán, et les impuretés incrustées dans nos pupilles depuis Iximche sont balayées par le paysage que nous avons devant nous


dsc02659

Depuis Antigua, l’auto-stop était devenu notre nouveau moyen de transport. Le vélo est maintenant un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre… Nous avions prévu depuis longtemps de retrouver des amis en Californie autour du 7 mars. A l’époque, notre calendrier était formel : « faisable si nous maintenons une moyenne de 50km par jour ». Mais justement, sans doute avions-nous été un chouia gourmands en prévoyant ces 50km… Notre tour du monde se serait transformé en un immense contre-la-montre et nous n’aurions fait que survoler les pays sillonnés par cette course (d’ailleurs perdue d’avance à cause de nos mésaventures techniques en Argentine). Nous avons donc décidé de rouler moins vite pour vraiment prendre le temps de la découverte. C’est un choix que nous ne regrettons pas du tout : chaque pays méritait au moins le temps que nous lui avons consacré.

Nous ne reprendrons les vélos qu’aux Etats-Unis, qu’il en soit ainsi. Et en attendant, pouce en l’air !


dsc02671


dsc02668

Panajachel – San Pedro – San Marco – Quezaltenango – Huehuetenango

C’est à Huehuetenango que nous avons passé notre dernière soirée guatémaltèque. C’est aussi à Huehuetenango que nous avons vécu la rencontre la plus improbable de notre voyage. Après avoir fini notre dîner, nous demandons au gérant si nous pouvons installer notre tente dans son restaurant pour la nuit. « Pas de problème, il faut juste attendre que ce groupe s’en aille. Nous fermerons ensuite. »

1 heure passe…

2 heures passent…

Léo regarde un film, Damien écrit. Ledit groupe s’est lancé à grands coups de Corona et semble inarrêtable. Nous sommes fatigués, nous n’avons qu’une envie : nous allonger, mettre les pieds au fond de nos sacs de couchage et fermer les yeux. Mais eux nous assomment de leurs rires. Nous avons les nerfs à fleur de peau. La haine jaillit de nos yeux à chaque fois que nous les posons sur eux. Nous les aimerions loin, très loin de nous. Et pourtant, l’un d’eux, Jorge, se rapproche et amorce ainsi le renversement de situation le plus puissant que nous ayons jamais vécu !

Nous commençons à parler, sa sympathie nous déride petit à petit… Puis vient le coup de grâce, la dernière tumeur d’énervement meurt sous la pureté de sa générosité : il nous invite à dormir chez lui, nous offre une bière et nous propose de les rejoindre. L’heure suivante est l’exacte opposée des deux précédentes. La fatigue se perd dans les poignées de main et les discussions que nous échangeons. Autrefois détestés, ces deux couples sont devenus les plus charmants des Guatémaltèques.

Ce n’est qu’à 1h que nous nous allongeons enfin. Dans un lit. Et avec le sourire.

Jorge, tu peux te vanter d’avoir joué avec nos nerfs ! Merci de l’avoir fait, et merci pour les casquettes 🙂


dsc02677

Le lendemain, jeudi 13 février, nous arrivons à La Mesilla, dépensons notre derniers Quetzales (la monnaie du Guatemala) et passons la frontière.

Nous avons quitté l’Amérique Centrale, nous sommes au MEXIQUE !

A suivre…

3 comments Ajouter un comentaire

  1. Soyez prudents au Mexique.
    Bientôt l’Asie, j’ai bien hâte de vous lire.


  2. Vous êtes de plus en plus grands!
    En fait, tous ces pays traversés vous font apparaitre avec une tête de plus que les locaux et c’est pas en Asie que cela va changer. Faudra peut être prévoir un détour par la Hollande – et sans casque – pour voir ….
    Philippe.


  3. merci de cette belle évocation du Guatémala .J’avais adoré Antigua qui en 1990 n’était pas envahie de touristes .Je l’avais perçue comme une ville endormie.Elle avait été le point de départ de l’ascension des volcans Agua Acatenango et Fuego!!Et le nom de Panajachel m’avait échappé…
    Bonne continuation au Mexique et bonne route en vélo ou en camion comme le hasard vous guidera.
    Je vous embrasse JP


Ajouter un commentaire Cliquez ici pour annuler la réponse.





reset all fields